Cliquer? Ou ne pas cliquer? Telle est la question! 

Contrairement au chat, à la poule, ou au cochon d’inde; le chien est un animal social qui recherche le contact visuel. Tout comme l’enfant, le chien cherche à capter notre attention. Il veut interagir avec nous. Je fais souvent le parallèle entre le chien et l’enfant, parce qu’il a été démontré que le chien a une capacité émotionnelle similaire à celle d’un enfant de 4 à 5 ans.

Le chien nous regarde pour lire nos expressions faciales. Il utilise ce qu’on appelle le “social emotional learning”. C’est-à-dire que, tout comme chez l’enfant, les contacts sociaux et émotionnels font partie intégrante de son éducation et de son développement psycho-social.

L’enfant acquiert des connaissances et des compétences pour développer sa confiance en soi et son identité. Il apprend à contrôler ses émotions et à développer son empathie. Le processus par lequel l’enfant acquiert et applique ces apprentissages va lui permettre d’établir et de maintenir une relation saine avec l’autre.

Le chiot doit, lui aussi, acquérir et mettre en application des connaissances et des apprentissages pour développer des comportements liés à la confiance en soi. Il apprend à contrôler ses émotions (autocontrôles) pour éviter la panique et diminuer son niveau de stress émotionnel, ainsi que sa réactivité. 

Le chien développe des compétences sociales positives ou négatives, selon ce qu’il aura vécu pendant son enfance et son adolescence. Lorsqu’il y a réactivité, peur, manque de confiance en soi; très souvent la réponse se trouve dans la socialisation bâclée ou incomplète, ainsi que dans une approche éducative mal adaptée.

Nous, humains propriétaires de chien, élaborons des buts et objectifs à atteindre qui sont parfois non réalistes. Nous oublions de ressentir de l’empathie pour le chien, n’étant pas à l’écoute de ses émotions, de son langage corporel, et nous prenons des décisions qui peuvent lui nuire plus que l’aider. Beaucoup oublient de tenir compte de l’individu, mettant tous les chiens sur le même niveau. Au sein d’une race, il y a des individus avec des personnalités différentes. Il y a donc des distinctions entre races, mais aussi entre les individus d’une même race, et il faut en tenir compte.

Quand vient le temps de choisir une forme éducative, beaucoup d’éducateurs canins vont recommander l’utilisation du clicker. Le clicker est un simple objet qui émet un son servant de marqueur pour dire au chien qu’il fait quelque chose de bien (ou de mal car on peut très bien associer le clicker/marqueur avec une punition!). 

éducation au clicker

Parfois, (en fait, ça arrive très souvent!) en regardant certaines personnes, je me questionne. Est-ce simplement le “clic” ou le mouvement de la main qui est le réel marqueur? En d’autres mots, le chien répond-il au son du clicker, ou au geste de la main?

Cliquer? Ou ne pas cliquer? Telle est la question! 

Autrement dit, qui est venu en premier? L’oeuf ou la poule?

Sachant que le chien est un visuel né (il recherche le contact visuel) et qu’il lit et interprète tous les micro signaux de notre langage corporel; le clicker devient un simple accessoire non essentiel. Dans certains cas, j’ai même vu l’utilisation du clicker nuire à l’équilibre émotionnel du chien et diminuer sa vitesse d’apprentissage!

Très souvent, les gens font un geste de la main chaque fois qu’ils cliquent. Le chien perçoit ce mouvement. J’ai testé, avec deux clients dont l’éducation du chien avait été faite au clicker lorsqu’il était chiot. J’ai bloqué leur clicker pour qu’il ne fasse aucun bruit, puis je leur ai dit de l’utiliser comme d’habitude comme si le bruit était présent. Surprise pour eux, le chien réagissait quand même positivement même sans entendre le bruit. Le geste de la main étant le même, leur chien avait réagit comme si le bruit avait été présent. 

J’en ai déduit qu’à court terme, le chien associe le bruit à la friandise et au bon comportement. Par contre, sur le long terme, le bruit peut devenir accessoire, puisque le chien continue de répondre favorablement avec le simple geste de la main, sans le bruit.

Le clicker est-il l’outil miracle à utiliser pour toutes les sauces? Non.

Le clicker est-il indispensable en renforcement positif? Non.

Le clicker peut-il créer un stress émotionnel? Oui.

Les mordus du clicker vont gueuler haut et fort que je n’y connais rien, que je ne sais pas utiliser le clicker correctement. Piff, je le sais, parce qu’ils l’ont déjà écrit sur Facebook. 

***Ils ont tort.*** 

J’utilise le clicker depuis 1992. J’ai appris, entre autre, avec Jean Donaldson et avec Jacynthe Bouchard. Par contre, je peux vous citer bons nombres d’exemples ou le clicker fait dérailler le chien. 

La première fois que je m’en suis rendue compte, c’était en 1994 alors que j’assistais à une formation offerte par une éducatrice en Ontario. J’y étais allée avec une copine qui voulait s’initier au clicker. J’ai observé ce BorderCollie pendant toute la durée de la formation de 90 minutes. Il ne faisait que regarder l’éducatrice, rechercher son regard, essayer des trucs… pendant qu’elle nous parlait, qu’elle nous expliquait comment fonctionne le clicker. Mais moi,  j’observais le chien. Plus la séance avançait, plus le niveau d’anxiété de ce chien semblait augmenter. Ses pupilles se dilataient. Il haletait de plus en plus. Sa réactivité devenait de plus en plus présente (une personne bougeait et il se retournait pour snapper dans l’air, avant de reporter son regard sur l’éducatrice). On pouvait aussi voir des traces de pattes mouillées (sueur) sur le tapis noir. Bref, au fur et à mesure, ce chien devenait de plus en plus émotionnel et réactionnel.

À plusieurs reprises, je me suis retrouvée devant un client qui utilisait le clicker avec son chien instable, émotionnelllement parlant. Il y en a tellement eu, que je ne les compte même plus! Je vais tout de même vous citer celui-ci :

Une jeune femme et son Berger Australien, s’inscrivent à un cours privé d’initiation au Treibball. Nous en sommes à notre première rencontre et je trouve son chien amical, enjoué, un peu excité, mais sans plus. Elle me dit qu’elle utilise déjà le clicker pour l’obéissance. Je suis donc cette voie et lui explique quelles étapes nous devons faire préalablement avec le clicker pour en arriver au chien qui pousse le ballon. 

Elle commence l’étape 1 et bam! Les yeux du chien se dilatent. Elle commence l’étape 2 et l’excitabilité est à son comble! Il fait du n’importe quoi rien que pour entendre le clic et recevoir sa friandise. Je stop tout. Je m’approche du chien et pose mes mains sur son thorax. Je demande à la cliente de venir poser sa main sur la région du coeur, afin qu’elle constate le battement très rapide. Je lui explique tout ce que j’observe : dilatation des pupilles, coeur qui galope, halètement… Je lui explique qu’on va mettre le clicker de côté et utiliser uniquement la voix comme marqueur vocal. On reprend l’initiation à la première étape. Le chien apprend tout aussi rapidement, mais en mode beaucoup plus calme et en contrôle de ses émotions.  

Bien qu’il soit un outil à la mode, le clicker n’est qu’un accessoire qui émet un bruit dans le but de marquer une séquence comportementale précise. Le clicker n’est pas indispensable au renforcement positif. Le clicker occupe l’une de nos mains (ils ont inventé la bague clicker pour remplacer le boitier), alors que notre voix est toujours disponible. 

Avec votre chien, un marqueur vocal fonctionne aussi bien qu’un clicker. Il vous faut un marqueur vocal rapide et d’une seule syllabe. Un “son” que vous n’utilisez pas dans votre langage quotidien. Par exemple, “OK” ne serait pas un bon “son” pour moi car j’utilise ce mot dans la vie de tous les jours : “Bon OK ça marche!” 

Personnellement, j’utilise le mot/son “Yes!” parce qu’il est rapide et que je peux aisément le dire de façon constante et enjouée. 

Le clicker est-il LE meilleur outil pour éduquer son chien? Bien que le clicker existe depuis les années 1950, qu’il est utilisé au cinéma depuis les années 1960, qu’il a été popularisé pour tout le monde par Karen Pryor dans les années 1980-1990, qu’il apporte un plus fantastique dans les apprentissages; que l’on soit en accord ou pas, le clicker a aussi ses lacunes que la voix n’a pas.

 

 

Auteur : Johanne Parent

éleveur, éducateur canin, intervenant et coach en comportement canin

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