Le respect mutuel dans le métier du chien

Je ne fais pas ce métier pour faire la morale aux clients. Je fais ce métier pour aider les clients à mieux comprendre leur chien et à en avoir le contrôle en toutes circonstances.

Beaucoup de mes collègues affichent des images avec nombre de X rouges pour signifier qu’ils n’utilisent pas tel ou tel type de collier. Je ne base pas ma publicité sur l’utilisation d’un accessoire en particulier (clicker, licou, harnais…) ou sur le fait que je n’emploie pas un outil spécifique (étrangleur, pics, chocs…). J’explique au client que l’important se trouve dans la relation et non dans un quelconque accessoire à la mode ou à bannir.

Que faire quand un client me téléphone pour me demander si j’utilise un étrangleur? J’explique que ce n’est pas l’outil utilisé qui détermine le résultat. Que le chien doit d’abord développer sa confiance en lui pour être bien dans ses poils et que son propriétaire doit apprendre à communiquer avec lui et établir un lien ancré dans le respect mutuel.

Que faire quand un client se présente dans mes cours avec un étrangleur dans le cou de son chien? Quand un client tient fermement à utiliser cet outil, je préfère lui enseigner à l’utiliser correctement et le moins possible… que de lui faire la morale et de le voir déguerpir pour aller consulter un professionnel qui aura des méthodes beaucoup plus coercitives que les miennes. Dans la majorité des cas, au fil des semaines, je vois le client changer son approche et il n’est pas rare que l’étrangleur finisse ses jours au fond d’un tiroir.

Je ne juge jamais l’outil ou l’accessoire utilisé. J’observe le comportement du chien. Démontre-t-il des signes d’inconfort réel? Le chien a-t-il une attitude basse, ou est-il alerte et confiant malgré la présence d’un outil « banni » par la nouvelle génération d’entraîneurs? Encore une fois, je me fais l’avocate du diable.

Quand un chien démontre des signaux d’alerte (attitude basse, urine, plainte, léchage des babines, regard détourné…) à l’utilisation de l’outil, on doit changer d’accessoire!!!! Mais, si le chien reste calme, confiant, enjoué… en quoi l’étrangleur (ou autre collier) peut-il être caractérisé d’outil de torture?

J’ai 45 ans. J’ai commencé à tenir une laisse et à me faire obéir de Berger Allemands dès l’âge de 9 ans. À cette époque, la norme était l’étrangleur. Il était inconcevable pour tous les entraîneurs québécois de l’époque d’utiliser autres chose qu’un étrangleur pour le travail à l’obéissance. Et ce, malgré le fait que le criquet (ancêtre du clicker) était déjà utilisé depuis des lustres en laboratoire par Skinner, ainsi que dans le milieu cinématographique! Sans oublier que le sifflet était déjà utilisé avec les animaux marins!

Ce n’est qu’à la fin des années 80 que j’ai vu un changement se pointer avec l’arrivée de la méthode Sirius™ du vétérinaire béhavioriste Dr Ian Dunbar. Le « lure & reward » faisait son apparition au Québec. Puis, début des années 90, Jean Donaldson (élève de Karen Pryor) introduisit le « clicker training ». L’utilisation du clicker n’est pas une nouveauté du XXIème siècle au Québec!

Il est dommage de constater que la nouvelle génération d’entaîneurs soit aussi intolérante face à leurs collègues plus traditionnels. La critique, le jugement, l’insulte sont monnaie courante, non seulement sur les médias sociaux, mais aussi devant la clientèle. Le contraire est aussi vrai. Bien des traditionnels que je connais aimeraient en apprendre plus, mais change d’avis en se faisant bafouer sur Internet. Je connais même un gars qui était dans le métier bien avant moi et qui dit clairement : « Jsuis trop vieux pour changer mes méthodes, mais j’aime voir les jeunes performer avec de nouvelles approches. »

Les gens qui me connaissent savent que jamais, je dis bien jamais, je n’ai bafoué un collègue sous le simple fait que le client devant moi me disait que telle ou telle professionnel lui avait enseigné à faire ça. Le « ça » étant une approche correctionnelle ou éducative avec laquelle je suis en désaccord. Pour moi, le service à la clientèle est une priorité et on se doit d’être professionnel devant un client. Quand je suis en désaccord, je me contente de dire que l’autre professionnel a surement ses raisons que je ne peux juger, mais que mon approche est différente et je démontre pourquoi, selon moi, elle serait mieux adaptée au client devant moi.

Depuis mes débuts dans le monde canin québécois, j’ai utilisé différentes méthodes et approches. Ayant travaillé 15 ans dans le domaine équin, j’ai aussi adapté plusieurs approches équestres que j’utilise dans mon métier avec le chien.

J’utilise principalement le leurre & récompense (Dunbar), le Ttouch, l’approche shamanique et le jeu dans mon travail quotidien. Dans certaines circonstances, j’utilise aussi le clicker (ou tout autre son), ainsi que le bracelet ultrason. Tout dépends du client, de ses intérêts et du chien.

Tout au long de ma carrière, je n’ai jamais utilisé de collier à chocs. J’ai vu des gens l’utiliser avec respect et à bon escient, particulièrement pour le travail à distance des chiens de chasse. J’ai aussi vu des imbéciles l’utiliser pour défouler leur frustration et couper les coins ronds lors de l’entraînement de chiens en pension dressage dans certaines écoles très reconnues. Le GBS n’est pas toujours présent dans le métier du chien!

En plus de 25 ans de métier, j’ai utilisé un collier à pics avec 1 seul de mes chiens, et je l’ai recommandé à 3 clients pour des raisons spécifiques de sécurité (du client) après avoir utilisé d’autres accessoires sans succès… et disons que ça remonte à plus de 15 ans!

En ce qui concerne le collier étrangleur, il peut arriver qu’un client en ait un au cou de son chien dans mes cours de groupe. Comme je l’ai expliqué plus haut, je ne suis pas dans le métier pour moraliser, mais pour aider. J’essaie le plus possible d’orienter les clients vers d’autres colliers moins sévères.

Il se peut aussi que vous me voyez en exposition de conformation avec mes chiens portant un étrangleur de type « snake ». J’ai les mêmes depuis 20 ans et mes chiens les portent uniquement en exposition!!! Je n’utilise jamais ces colliers en entraînement. Lorsque j’arrive en exposition, mes chiens n’en ont pas besoin. Ce n’est que pour le côté esthétique de la chose.

On ne peut pas présenter un chien en conformation avec un simple collier d’attache au cou. Le collier martingale de nylon est trop large. Le collier martingale en chaine ne s’ajuste pas et donc je devrais en avoir plusieurs de grandeurs variées, sans compter qu’ils sont plus lourds au cou du chien. La laisse lasso est une laisse étrangleur. La laisse martingale est soit trop large ou trop fine et je ne suis pas à l’aise avec. Je n’aime pas l’avoir en main dans le ring. Je ne suis pas confortable avec son utilisation. Reste l’étrangleur en nylon ou en métal. Le nylon s’emmêle dans le poil et cause des nœuds dans le cou de mes chiens, même lorsque porté que quelques minutes. Au final, comme bien des exposants, j’utilise un étrangleur métallique pour présenter mes chiens en exposition. Comme je ne fais que quelques concours par année, je peux dire que je l’utilise très rarement!

Parce que j’utilise un étrangleur en exposition, peut-on prétendre que je ne suis pas un professionnel du renforcement positif (R+)? Certainement pas, puisque mon approche globale du chien est une approche honnête, juste et respectueuse. Je guide le chien vers la bonne réponse au lieu de simplement réprimander. Je récompense au lieu de punir.

L’habit ne fait pas le moine…

J’ai vu de nombreux entraîneurs nouvelle génération R+ utiliser un clicker de la mauvaise façon. Le chien démontre des signes d’inconfort et son niveau d’anxiété augmente. Le chien ne prend pas de réel plaisir au travail. Il subit tout simplement. Lors de mes observations, j’ai aussi pu constater une augmentation de l’excitabilité et de l’anxiété de certains chiens lors de l’utilisation du clicker avec des animaux émotionnellement instables.

J’ai vu des dizaines de professionnels R+ utiliser inadéquatement un licou, un harnais ou un simple collier d’attache (en donnant des coups de collier).

Et que dire des distributeurs de bonbons qui ne savent pas utiliser autre chose que la friandise?

Quel que soit l’approche ou la méthodologie, elle doit être adaptée au cas par cas. Le chien et le client doivent être à l’aise avec la façon d’enseigner au chien ce que l’on veut obtenir de lui. Cette méthode doit forcément être positive pour le chien et son propriétaire, tout en offrant un apprentissage réel et donnant des résultats fiables et constants sur le long terme.

À quoi bon juger les méthodes dites traditionnelles d’arriérées, et leurs adeptes de débiles? Je crois sincèrement que le chien de compagnie et son propriétaire mérite mieux que le jugement néfaste. Ils méritent qu’on se donne la peine d’envisager toutes les approches possibles afin d’adapter l’enseignement au cas par cas.

Même les vieux de la vieille peuvent changer leur approche, sans oublier qu’ils ont du vécu et sont souvent source d’information et d’expérience réelle. Apprendre dans un livre, via une vidéo, un cours par correspondance ou participer à un séminaire ne fait pas de soi un professionnel meilleur qu’un autre. Le savoir et les connaissances ne servent à rien, si on ne peut pas les mettre en pratique dans son quotidien avec le client et son chien.

Publié le 29 mars 2015 sur johanneparent.over-blog.com

Auteur : Johanne Parent