Métier : expert canin

Chaque semaine, je suis témoin d’attaques stupides contre un propriétaire de chien qui, ayant osé poser une question, se fait royalement ridiculiser ou sermonner.

« T’es pas bien! Voyons, on ne fait jamais ça! »
« Ah, mais si ça marche pas, c’est parce que tu le fait mal! Tu ne sais pas te servir d’un clicker correctement! »
« Tu donnes cette merde à manger à ton chien? Tu veux le tuer? »
« Un étrangleur!?!? C’est un outil barbare et cru
el! »

Bref, des exemples, il y en a des milliers!
Chacun se prétend expert, spécialiste ou défendeur des droits du chien!

Comment devient-on un expert?
C’est quoi un expert dans le domaine cani
n?

Un expert est soit un scientifique diplômé universitaire (éthologue, psychologue, biologiste, vétérinaire) ou soit une personne qui possède suffisamment de connaissance pour comprendre, interpréter et mettre en application des techniques reliées à un domaine précis (alimentation, élevage, socialisation, éducation, comportement, etc).

L’apprentissage, c’est l’acquisition d’informations, de données et de techniques reliées à un domaine précis. Mis à part l’obtention d’un diplôme universitaire cité précédemment, l’apprentissage peut se faire par la participation à une formation maison, à une conférence, un atelier, une clinique, ainsi que par la lecture, l’observation et l’expérimentation.

On m’a déjà demandé quel était mon cursus, c’est-à-dire quels étaient mes diplômes. Comme aucune formation canine n’est reconnue au Québec (excluant la personne ayant fait une maitrise spécialisée canine dans le domaine de l’éthologie, ou le vétérinaire), aussi bien dire que je n’ai aucun diplôme. J

Est-ce que le diplôme universitaire est une obligation pour devenir expert? Non. J’ai rencontré bon nombre d’experts, que ce soit dans le domaine canin ou dans tout autre domaine, qui n’avaient aucun diplôme universitaire. Tant et aussi longtemps qu’un DEP ou DEC en Techniques Canines ne sera pas disponible, il n’y aura aucune formation d’éducateur ou de comportementaliste qui sera reconnue au Québec. En ce qui concerne l’AEP, c’est un diplôme non reconnu. En effet, l’AEP n’est pas reconnu par le ministère de l’éducation. L’AEP est reconnu uniquement par la commission scolaire qui offre la formation et émet le diplôme.

Savoir, connaître, comprendre, observer, interpréter, expérimenter, apprendre, enseigner, éduquer, instruire, expliquer, guider, ignorer, négliger, regarder, examiner, étudier…

Est-ce mieux d’étudier, de suivre des cours, des formations? Ou est-il préférable d’acquérir de l’expérience de terrain? Mon opinion est que, l’un ne va pas sans l’autre.

« Il est bien de dire que tel penseur a écrit ceci ou cela, mais il est mieux de donner des preuves tirées de sa propre expérience. Au lieu de lire les livres, il est préférable de se lier à la seule source vraiment inépuisable et immortelle : la nature. » (Omraam Mikhael Aivanhov)

Lire un livre ou un article, écouter un expert, participer à une conférence… c’est un début, mais encore faut-il être en mesure de pouvoir mettre en application. C’est malheureusement ce qui manque à beaucoup d’experts canins. Ils ne savent pas saisir, sentir, voir, afin de s’ajuster au cas par cas. Ils ont des généralités en tête, mais se retrouvent perdu au premier obstacle, prétextant que le chien en question est une exception.

Si ce chien est une exception, il y a forcément une autre approche à essayer! Rien ne se perd, rien ne se crée. C’est le principe même de la science. C’est à ce moment précis que l’on trouvera le véritable expert. Il saura adapter son approche au cas par cas, sans généraliser et sans juger.

Les « il est asocial, mal socialisé, vient d’un puppymills », ou les « c’est la race, il n’y a rien à faire » ne sont que des preuves réelles du manque de connaissance et donc, de compétence, de l’expert.

« Étudier à l’Université, c’est analyser un fruit en laboratoire à l’aide de tous les procédés physiques et chimiques ; c’est apprendre de quels éléments se composent la peau, la pulpe, les pépins, le suc, mais sans jamais goûter le fruit, sans jamais le découvrir à l’aide des instruments naturels que Dieu a mis à notre disposition, sans en ressentir les effets. » (Omraam Mikhael Aivanhov)

Pour résumer mon message, c’est bien beau d’exiger des diplômes, d’étudier, de suivre des formations, mais si vous êtes incapables de lire un chien, d’interpréter ses réactions, d’interagir positivement avec lui, de le guider dans ses comportements, vous perdez votre temps. Le véritable expert travaille avec le chien, peu importe sa race. Aucune race ne pouvant être considérée vicieuse, sournoise ou agressive; l’expert sait adapter ses techniques pour chacune des races et des individus. L’expert sait aussi adapter son enseignement afin de s’assurer que le propriétaire du chien comprenne et sache mettre en application avec succès.

L’expert est celui qui connait, comprend, interprète, expérimente et obtient toujours une conséquence à laquelle il sait s’adapter. Il sait s’ajuster et utiliser différentes approches pour arriver au résultat désiré. Il n’est ni dépendant de la friandise, ni de la coercition. Il refuse la violence sous toutes ses formes, mais sait appliquer la juste punition lorsque celle-ci est souhaitable. Il sait établir des limites, sans devenir dictateur. Et par-dessus tout, ses actions ne sont jamais établies dans le but de nuire. Il est donc exclus que ses interventions mènent au développement de troubles secondaires que l’on nomme : piège comportemental.

Qu’est-ce que je veux dire par piège comportemental?

Voici un exemple typique :

Le chien aboie après les voisins, le long de la clôture ou lorsqu’ils passent devant la fenêtre. Sur les conseils de l’expert, lorsque le chien aboie, le client apprend à rappeler son chien, à le faire asseoir et à rester calme, afin de recevoir une friandise. Le piège est que le chien apprend à aboyer afin de venir rapidement s’asseoir et quémander une friandise. Quand cette friandise n’est plus au rendez-vous systématiquement, le comportement d’origine reprend de plus belle.

Le piège comportemental est un comportement qui nuit à la relation entre le chien et son propriétaire. On change le mal de place, mais le problème n’est toujours pas réglé.

  • L’expert sait comment éviter le piège comportemental.
  • L’expert sait s’adapter et utiliser différentes approches ou méthodes pour obtenir un résultat souhaitable.
  • L’expert sait s’adapter au chien qui ne veut rien savoir de la friandise, au chien indépendant qui ne recherche pas le contact social, au chien particulier.
  • L’expert ne pose pas d’étiquette selon la provenance du chien, la race ou l’environnement. Il est là pour aider le chien et son propriétaire, sans juger.

Et que dire du gourou?

Le gourou est un expert qui n’en est pas un. Il croit être expert. Les gens le considèrent comme un expert, alors qu’en fait il n’est qu’un gourou. Ses fans croient qu’il possède la science infuse, alors qu’il est incapable de s’adapter. Il utilise une seule approche, par exemple, celle de la friandise. Il ne sait rien faire sans cette friandise.

Dans le domaine du chien, on trouve des gourous en éducation, en comportement, en élevage, ainsi que dans tous les domaines. Mais dès qu’un chien ou un client ne cadre pas dans le décor, il est rejeté comme état stupide ou une exception.

Au Québec, beaucoup prétendent rééduquer le chien agressif, peureux, anxieux…. Alors qu’en fait, ils ne font que colmater une fuite. Cet arrêt du comportement ou cette amélioration n’étant que temporaire puisque, au bout de quelques semaines, la fuite reprend de plus belle et le problème se trouve décuplé.

Face à un problème de comportement, les solutions faciles n’existent pas. Inutile de chercher sur Internet. Inutile de poser la question sur un forum ou les réseaux sociaux. Au pire, vous vous ferez harceler, juger, dénigrer. Au mieux, on vous conseillera de consulter un expert (ou gourou) ou on vous donnera des solutions de colmatage temporaire.

Trouver un véritable expert est un problème pour bien des gens. Très peu de vétérinaires oseront vous référer à un expert autre qu’un autre vétérinaire ou un technicien en santé animale. En effet, l’Ordre des Médecins Vétérinaires du Québec exige de ses membres qu’ils réfèrent uniquement des gens qui possèdent un diplôme reconnu, ou un de leurs employés. C’est pour cette unique raison que certains professionnels canins non diplômés ont choisi de s’associer à une clinique vétérinaire et d’y offrir des consultations.

Devenir un expert canin, c’est avant tout connaître, comprendre et savoir observer le chien. C’est aussi comprendre et savoir observer le propriétaire et l’environnement familial dans lequel vit le chien. Par-dessus tout, c’est savoir mettre en application plusieurs techniques ou approches afin de s’adapter au cas par cas. L’expert ne vit jamais dans la généralité. Il n’est pas exclusif. Il s’adapte aux circonstances, ainsi qu’aux personnalités (canines et humaines). L’expert recherchera toujours les causes cachées du comportement indésirable. Il n’est ni moralisateur, ni juge, et encore moins gourou. Il connait ses limites et sait référer au besoin.

Publié le 24 août 2015 sur johanneparent.over-blog.com

Auteur : Johanne Parent