Je clic, tu clics, il clic… agression?

(agressivité canine : article 1/3)

La mode du clicker a envahi l’ensemble du monde de l’éducation canine. Que ce soit en Amérique ou en Europe, le clicker est malheureusement employé à toutes les sauces. Que l’on parle de TAGteach™ ou de clicker, le principe est le même : un renforcement positif par conditionnement. On récompense avec un morceau de nourriture qu’on associe au click, la bonne action tout en ignorant la mauvaise.

L’apprentissage de commandements spécifiques comme « viens », « assis », « couché »… etc, est facilité par l’utilisation du clicker pour beaucoup de gens, puisque selon eux, le click est plus rapide (au niveau du timing) que la voix humaine qui dirait un simple « Bon Chien! ». Trop de professionnels canins associent le clicker à la seule méthode en renforcement positif, ce qui est une erreur fondamentale. Cet accessoire (clicker) n’est aucunement un indispensable du renforcement positif!

Tous types de bruits peuvent être associés à un entraînement par conditionnement. Par exemple, le bruit du stylo bille, un claquement de langue, un bruit émis par un sifflet, un ultrason audible uniquement par le chien, un simple « Bon Chien! », un « Good! »… bref le clicker n’est pas la seule voie de l’éducation par conditionnement à renforcement positif.

Déjà dans les années 80’, le vétérinaire béhavioriste Dr Ian Dunbar utilisait le renforcement positif en associant la nourriture et le « Bon Chien » dans son programme d’éducation pour les jeunes chiots (Sirius Puppy Training™©). La seule différence entre le principe du Dr Dunbar et le clicker, c’est le timing « Bon Chien » versus le click. Le « shaping », c’est-à-dire décortiquer les différents éléments d’une action (assis, couché, rapporter un objet, faire le mort… bref peu importe le comportement souhaité) se fait tout aussi bien en méthode Sirius™ qu’au clicker.

Il est malheureux de constater que beaucoup d’éducateurs et de professionnels canins utilisent le clicker à tort en thérapie comportementale. En effet, l’utilisation du clicker pour régler les problèmes de comportement canin est une arme à double tranchant.

Ce que les “cliqueux” oublient, c’est qu’un chien n’est jamais tous les chiens. Si le clicker fonctionne bien dans la rééducation du chien X, il peut très bien produire l’effet contraire avec le chien Y. Dans certains cas, le clicker devient source d’anxiété pour le chien. Voulant rééduquer ou réorienter un comportement indésirable, certains utilisateurs du clicker ne se rendent pas compte qu’ils déstabilisent encore plus le chien en créant ou en augmentant son niveau d’anxiété. La conséquence possible qui s’ensuit, c’est la rechute ou le développement d’un problème plus grave encore pour le chien.

Avant même de penser utiliser un clicker en thérapie comportementale, le professionnel canin doit s’assurer que le comportement à corriger n’est pas relié à la peur traumatique. En effet, même avec l’extinction ou le contre-conditionnement, la peur traumatique ne s’efface jamais complètement du cerveau du chien. En tout temps, cette peur que l’on croyait disparue, peut revenir, être amplifiée et se généraliser sur d’autres peurs! On obtiendrait donc un chien complètement instable, imprévisible dans ses réactions et pouvant développer une agressivité généralisée.

Que ce soit avec un humain ou un animal, il y a une différence énorme entre la peur traumatique et la simple peur vécue dans la vie quotidienne. La peur traumatique est toujours difficile à rééduquer et impossible à enrayer. Même si on met en place un programme de contre-conditionnement de cette peur, il devra être fait TOUTE la vie de l’animal pour éviter les rechutes possibles. C’est beaucoup de travail et peu de succès.

L’approche du professionnel canin doit donc être adaptée au cas par cas, selon le chien à traiter. Oubliez tout de suite les recommandations que l’on vous ferait via un forum de discussion!!! Si votre chien a un problème d’agressivité envers ses congénères, vous devriez obligatoirement consulter un spécialiste en comportement canin reconnu pour son travail avec ce type de problème.

Est-ce un mauvais comportement ou est-ce une peur?
Quelle peur est simple versus quelle peur est traumatique pour un chien spécifique?

Le gros problème que je vois dans le monde canin actuel, c’est l’impossibilité des propriétaires et des éducateurs canins à déterminer si le mauvais comportement du chien est motivé par la peur et/ou l’anxiété. Le manque d’expérience réelle sur le terrain, associé à un manque d’information concernant la gestion de meute (groupe de 10 chiens et+) vivant et interagissant ensemble dans la vie quotidienne, ne leur permet en aucun cas de pouvoir prétendre réellement comprendre les réactions du chien et le langage canin réel.

Trop de professionnels canins et amateurs de chiens ne savent pas lire le langage du chien. Les « signaux d’apaisement » ne sont qu’une partie de ce langage canin. Il est inexacte de prétendre que le simple fait qu’un chien baille ou se renverse sur le dos est automatiquement un chien qui a peur. Beaucoup de chiens adultes utiliseront cette partie du langage agonistique canin avec de jeunes chiots afin de les rassurer sur leurs intentions. Ces signaux décrits par Turid Rugaas sont une méthode de communication que l’on peut voir, non seulement chez les canidés, mais aussi chez d’autres espèces animales. Il s’agit d’une partie du langage naturel du chien… malheureusement pas toujours interprété de la bonne façon.

Les nombreuses races canines ne possèdent pas toutes le même langage, puisque celui-ci n’est pas universel. Le langage canin complet est soumis à des variations selon la culture et l’environnement du jeune chiot. Certains comportements associés au langage canin sont dits innés puisqu’ils sont présents chez presque tous les chiots de façon naturelle. On n’a qu’à penser à l’invitation au jeu traditionnelle du chien qui laisse son derrière en hauteur et descend les antérieurs et la tête vers le sol.

D’autres comportements associés au langage canin varient selon les races, comme par exemple la technique du Boxer ou du Rottweiller qui pousse son derrière sur le corps du congénère pour jouer. Enfin, le chien étant un grand observateur, il peut facilement apprendre des comportements de langage en côtoyant l’humain.

  • Avant d’entreprendre toute forme de rééducation d’un chien agressif, il faut d’abord comprendre le langage canin et savoir l’interpréter correctement.
  • Avant d’utiliser un clicker pour rééduquer un chien agressif, il faut d’abord déterminer quel est le motif réel de l’agression.

Publié le 12 décembre 2013 sur johanneparent.over-blog.com

Auteur : Johanne Parent