La coercition en éducation canine… c’est quoi au juste?

Moi : « Je déteste le mot coercition. »

Elle : « Johanne je te comprends tellement! C’est vraiment pas bon de battre son chien pour le faire écouter!!! »

Moi : « Euh… c’est pas ça que je voulais dire… »

Elle : « Les coercitifs sont tellements arriérés! Ils comprennent rien au renforcement positif!  »

Moi :  » Je voulais juste dire que « coercition » est baclé et baffoué par des gens qui s’accrochent au mot. »

Elle : « Euh…? Tu veux dire quoi là? C’est désuet la coercition, pis c’est des méthodes qui font mal au chien. Point. »

Moi : (soupir) « Par définition, la coercition est l’action de contraindre quelqu’un à faire quelque chose contre son gré. Ça veut dire obliger à agir, ou obliger à s’abstenir d’agir. »

Elle : « Donner des ordres! Donner des coups de collier! »

Moi : « Oui, on peut contraindre de façon physique ou psychologique, mais… »

Elle : « Ben c’est ça que je disais. On doit pas faire ça avec un chien. »

Moi : « Les gens lient automatiquement les mots dominance, contrainte physique, intimidation, avec la coercition. Et si on avait tort? Ou plutôt, si on n’avait pas la bonne vision de ce mot? Y as-tu pensé?  »

Elle : « Qu’est-ce que tu veux dire? »

Moi : « Ben déjà, le simple fait de retenir ton chien avec une laisse EST une contrainte physique, donc coercitif… parce qu’il est obligé de rester dans le périmètre que tu lui imposes. »

J’aime ce genre d’échanges. Ça me rappelle mon prof de philosophie du Cégep😜
À l’époque, j’étais famille d’accueil pour la Fondation Mira et j’avais un chiot Labrador blond du nom de Washington qui m’accompagnait dans mes cours. Plus je vieillis, et plus je repense à ce prof que je m’amusais à remettre en question. « Qui de l’animal ou de l’humain est le plus intelligent? » Et moi qui avait répondu… « ben peut-être que Washington trouve ton cours plate parce qu’il en sait dejà plus que nous tous… peut-être que la mouche qui vole dans la classe est en train de nous insulter? » Et le prof avait sourit…. Beau souvenirs, mais revenons à nos moutons (le monde canin).

Elle, c’est qui? Pour garder son anonymat, appelons là Louise. Comme Louise, beaucoup de pro R+ vont automatiquement associer la coercition avec la punition ou la correction. Malheureusement, ces gens prouvent simplement qu’ils ne comprennent pas le mot dans sa définition « at large » et ne veulent voir qu’une image restreinte du terme coercition.

Contrainte = Coercition

Ils ont limité sa définition au seul point de faire en sorte que le chien fasse ce que JE veux, au moment que JE veux.
JE donne un ordre et le chien doit obéir, sinon JE l’oblige à le faire. J’oblige comment? Selon eux, avec coups de collier, regard de dominant, utilisation d’outils non adéquats (étrangleur, ecollar, pinch). Le mot coercition est devenu un synonyme canin de brutalité parce que ça fait mal au chien.

Pourtant, le simple fait d’obliger un chien à vivre dans notre foyer (appartement, maison avec jardin, ferme, etc) est une contrainte! On « kidnappe » un chien et on l’oblige à nous tenir compagnie! Au même titre que d’obliger un animal à vivre dans une cage, un enclos ou un bassin dans un zoo, on enferme nos chiens dans nos foyers. Pour les uns, on veut bannir et les retourner en nature. Pour les autres, une simple pandémie et hop on est en pénurie de chiots disponibles????

On oblige, égoïstement, le chien à vivre dans NOTRE environnement et on le force à s’adapter à NOTRE style de vie. « Pourquoi crois-tu qu’on ait autant de chiens avec des foutus problèmes de comportement? »

Alors là, je peux vous dire que cette 100% pro R+  ne savait plus du tout quoi me répondre. Je lui avais coupé le sifflet! On me trouve souvant chiante, parce que j’ai le don de philosopher sur un mot ou une situation pour tenter d’y voir les 3 points de vue possibles; parce que chaque médaille possède 3 côtés (recto, verso, contour). Alors, continuons et revenons au mot que je n’aime pas : coercition.

Le recto est l’image visible du mot : obliger par la « douleur » et la « dominance ».

On parle bel et bien alors de coups de collier répétitifs, de menaces, d’intimidation et même de maltraitance psychologique ou physique!

Le verso est le simple fait d’établir des limites ou une Loi.

On parle alors des règles de vie, des interdictions, des obligations humaines de respecter une Loi comme le port de la laisse obligatoire en milieu public.

On a qu’à prendre l’exemple du couvre-feu imposé, que beaucoup voudraient bien contester! Dans la perspective du monde canin, voici quelques exemples d’interdictions « coercitives » : interdire l’accès à une pièce de la maison, le restreindre dans son jardin (cours) avec une clôture, le retenir au moyen d’une laisse ou d’une longe. OUI, utiliser une laisse est une contrainte!

Le contour est de nier ce qu’est le chien : ne pas prendre en compte ses besoins intrinsèques et ce qu’il aime.

On lui fait apprendre une discipline (sport canin) parce que NOUS on aime cette activité, et non parce que le chien a choisi de le faire. On vise la performance « presque parfaite » pour notre propre égo. OUI, on fait encore une fois preuve de coercition🤷

La coercition fait partie de la vie. On est obligé d’aller à l’école, jusqu’à l’âge légal établi par une Loi. On est obligé de payer des factures et donc de travailler. On oblige le chien à s’adapter à notre horaire : Lever 6h30, pipi, dejeuner, courte sortie pipi à 7h30, départ de la maison à 8h, retour à 17h, pipi, courte promenade, repas du soir, télé, pipi, dodo.

La coercition est partout, ou presque. La philosophie du R+ est aussi une forme de coercition. C’est un constat que JE fais et qui n’engage que moi. On a qu’à regarder les échanges haineux sur les médias sociaux pour s’en rendre compte! Une personne pose une simple question et une foule de gens répondent en critiquant, en insultant, en injuriant… Ils bannissent pourtant la coercition🙆

Voilà pourquoi je déteste ce mot. Il fait parti intégrante du monde humain, mais pas du monde canin en milieu naturel. Je préfère grandement éviter d’utiliser ce mot et parler de faits réels.

Tel outil/accessoire a été conçu pour telle fonction. L’utilisation positive se fait comme ceci et son utilisation négative se fait comme celà. En éducation on veut utiliser 99% de positif, alors mieux vaut éviter l’utilisation négative de l’outil. Louise me demande pourquoi pas un 100% positif? 🥕🥕🥕 Tout simplement parce que ça peut arriver à n’importe qui de péter un plomb par impatience ou stress. Ce sera la faute de l’humain au bout de la laisse, et il devra travailler en positif pour rééquilibrer le chien. On ne vie pas dans un monde de Bisounours. On a tous nos bons et nos mauvais jours, nos émotions qui font les montagnes russes.

Dans le monde réel, le 100% positif n’existe pas. Parce que tu te retrouve en situation d’urgence, tu devras fort probablement utilisé le côté négatif de l’outil pour sauver la vie (ou éviter une blessure) du chien, ou la tienne, ou celle d’un enfant. Le chien qui allait traverser la rue pour courir après l’écureuil ou le ballon venu de nulle part, et qui reçoit un coup de collier pour éviter qu’il soit heurté par un véhicule. Le chien qui saute sur un bambin de 4 ans à bicyclette. Bref, même si on veut les éviter au maximum, les erreurs négatives peuvent se produire et on devra réagir et vivre avec🤷Bon, Louise m’accuse d’être une fausse R+😄🤣

« Tu n’as pas compris. J’ai jamais dit qu’il fallait utiliser le coup de collier! Mais oui, ça peut arriver qu’on doive l’utiliser… Je parlais de la vie réelle!

Ta voiture, elle a des freins, un volant et des clignotants. Quand tu veux virer, tu mets ton clignotant, puis tu tourne le volant. Mais si une situation d’urgence arrive, tu vas faire quoi? Le chevreuil saute sur la route devant toi et, hop, tu freines et braque le volant à gauche… avais-tu mis ton clignotant??? Ben, c’est ça une situation d’urgence. Ça arrive, tu réfléchis pas, pis tu réagis. Point.

Tsé quand tu donnes ton cours à ces propriétaires de chien, tu leur enseigne l’approche positive : récompenser les bons comportements, ignorer les comportements indésirables, la bonne façon de marcher le chien avec son harnais (sans utiliser le collier), bref la vie est belle… parce qu’ils sont avec toi😉

Pourtant, plusieurs d’entre-eux laissent tomber une fois dans leur vie quotidienne. Pourquoi? Ils utilisent le collier pour promener le chien, parce que le harnais finalement c’est chiant. Ils veulent que le chien fasse ce qu’ils demandent. Ils détestent devoir attendre. Ils rentrent du travail et veulent pas du chien qui les accueille en sautant. Le bol de friandises, il est vide ou ils ont oublié de le placer dans l’entrée et non accessible au chien! Bref, ce qui se passe dans le milieu familial du chien, tu n’as aucun contrôle là-dessus🤷

Alors moi, perso, ce qui veut dire que ça n’implique que moi… j’ai choisi l’empathie. J’enseigne les mêmes concepts que toi, mais au lieu de critiquer les gens ou les outils, de faire la morale et de bannir, je fais de mon mieux pour « lire » le client et trouver la meilleure façon possible d’adapter mon approche positive pour favoriser l’intégration du chien dans son milieu familial de façon positive.  »

Je préfère enseigner aux gens, comment ils peuvent  apprendre à leur chien à aimer apprendre! Peu importe l’outil, le chien apprend à aimer apprendre. Apprendre à faire quelque chose devient un besoin irrésistible et amusant. Il devient coopératif et formera une belle équipe avec son propriétaire. Peu importe qu’il porte un collier, un harnais ou un licou, le chien est heureux d’apprendre et le propritaire n’aura pas besoin d’utiliser le côté négatif de l’outil🥰

Au final, un monde sans coercition, en renforcement positif exclusif, serait un monde sans aucun outil. Sans aucune restriction ou obligation créées, donc : sans clôture, sans laisse, sans friandises, sans rien…. sauf l’humain en relation avec le chien. Dès qu’on ajoute un élément, ce n’est plus du 100% positif, puisque ça devient du conditionnel dans lequel la friandise devient un salaire et la laisse délimite une zone restrictive🤷

« Alors, d’après toi, si j’enseigne au chien à trouver irrésistible le fait d’obéir? Est-ce encore une vision coercitive? » 

 

Auteur : Johanne Parent
éleveur, éducateur canin, intervenant et coach en comportement canin