Perdre sa liberté d’avoir un chien…

Les gens se sentent souvent perdu en lisant des textes trouvés sur Internet, et même en étant témoin d’échanges plus ou moins agressifs entre propriétaires de chiens et/ou professionnels canins. Un mot a une signification précise qui est, fort malheureusement, trop souvent victime d’interprétation.

Le savoir s’acquiert par différents moyens. Alors que la plupart des gens se contenteront de lire des bouquins ou des articles publiés sur Internet, d’autres participeront à des formations maisons offertes par un « expert » dans son domaine. Parmi ces « experts », seule une minorité aura obtenu un diplôme reconnu (Cégep, Université) dans son domaine. Peu importe le domaine d’expertise, c’est comme ça, et pas uniquement dans le domaine du chien.

Dans le domaine canin, nombreux sont les requins. Vous savez, c’est gens qui naviguent à la recherche de la moindre goutte de sang dans cet océan d’information. Vous les reconnaissez surement. Ce sont eux qui critiquent sans arrêt, qui vous disent que vous êtes stupide ou mentalement déséquilibré! Je vous entends déjà dire : « Bon, elle chiale encore celle-là! »

Chaque mot possède sa signification propre, qui n’est pas immuable. Elle peut varier selon le contexte, ou le domaine d’utilisation. La culture joue aussi un grand rôle dans l’interprétation d’un mot. Par exemple, demandez un stationnement en France et on vous regardera avec un point d’interrogation, avant de finalement comprendre que vous recherchez un « parking ».

Dans le domaine du chien, le québécois possède ses expressions et mots qui demeurent souvent inconnus ou matière à interprétation pour nos amis européens. Ce qui, malheureusement, mène à des conflits ou des guerres de mots. Il faut cesser cette guerre de mots. Au nom de l’avancement et du non coercition, on condamne tout, sans appel et sans oser jeter un coup d’œil sur le revers de la médaille. Tout est blanc ou noir. Aucune zone grise n’étant possible! C’est une erreur fondamentale puisque dans tout, il existe forcément un côté positif et un côté négatif : le yin et le yang, l’ombre et la lumière, le positif et le négatif. Et sur la ligne mitoyenne de ces opposés se trouve la zone grise, c’est-à-dire l’exception qui confirme toute règle.

C’est à cause de cette guerre de mots que j’ai récemment osé écrire sur mon Facebook que le milieu canin était malheureusement devenu fermé, intolérant, voir raciste.

En effet, depuis quelques années, on voit apparaitre des dogmes. Ces doctrines, convictions, opinions ou théories, ne sont que des approches différentes qui sont influencées par la culture et la science.

Le scientifique est obligatoirement un diplômé universitaire et il est le seul à pouvoir endosser une études ou thèse. Cette thèse devient vérité absolue, même si elle pourrait être démentie dans quelques mois ou années. L’étude d’un élément est toujours soumise à des règles strictes. Souvent politique, l’étude peut être biaisée. Prenons par exemple l’étude sur l’efficacité d’un collier à la citronnelle. Le scientifique engagé par la compagnie pour effectuer l’étude, doit nécessairement obtenir un résultat satisfaisant s’il veut rester à l’emploi de la compagnie. De plus, l’étude doit normalement être faite en milieu stérile, c’est-à-dire en laboratoire ou en milieu 100% contrôlé.

Ce qui se produit en laboratoire peut être totalement à l’opposé de ce qui se produit en situation réelle. Prenons en exemple l’étude des loups. Alors que les scientifiques avaient identifiés une gestuelle, un mode de communication précis du loup en captivité; des études récentes ont démontré que le loup sauvage possède un comportement très différent du loup captif.

Ce qui est vrai aujourd’hui, sera peut-être faux demain?
Ce qui est faux aujourd’hui, sera peut-être vrai demain?

Jusqu’à tout récemment, étudier le chien n’avait aucun intérêt pour la science. Le chien était un simple animal de compagnie ou d’utilité (travail policier, chien renifleur, berger, trait). Il était le plus souvent libre et pouvait courir à sa guise, ne rentrant que pour se nourrir.

Aujourd’hui, le chien est enfermé dans nos maisons et nos appartements. Il est devenu un membre de la famille, trop souvent incompris. On exige de lui obéissance, propreté, silence et autonomie, alors qu’on le materne et qu’on lui interdit d’être ce qu’il est, c’est-à-dire un chien.

La science définie aujourd’hui que le chien est, émotionnellement, un enfant de 5 ans. Le chien possède des émotions, son propre langage, et des mécanismes d’apprentissage similaires à ceux d’un enfant. Malgré ces études scientifiques, il n’y a rien de nouveau là-dedans! Bon nombre de propriétaires de chiens savaient déjà tout ça!

Les années 90’ ont été marquées par un changement radical au niveau de l’approche éducative de l’enfant. Les psychologues recommandaient de raisonner, d’expliquer, d’offrir des surprises (privilèges, friandises, etc) afin de favoriser le bon comportement. La fessée et l’autorité devenaient très mal vues. Ceci a donné naissance au concept de l’enfant roi auquel on n’ose plus rien refuser, de peur du qu’en dira-t-on.

Bon nombre de propriétaires de chiens et professionnels canins que je côtoie me disent tous qu’on est rendu à l’étape du chien roi. Je ne peux malheureusement prétendre le contraire. Au nom du non coercition, trop de gens n’osent plus dire non au chien et deviennent esclaves de celui-ci. On ne peut plus utiliser une cage sans se faire pointer du doigt. On ne peut plus laisser le chien seul à la maison pendant nos heures de travail sans se faire juger. On ne peut plus laisser le chien aboyer sans recevoir une contravention. On ne peut plus avoir la race de son choix sans obtenir des plaintes des voisins. Bref, on a perdu notre liberté.

L’arrivée du clicker dans le quotidien du chien de compagnie fut une bonne chose. Par contre, saviez-vous que les scientifiques qui ont étudié le conditionnement et utilisé le clicker au départ, utilisaient aussi le côté sombre de la force? En effet, on associait un son positif ou un effet positif (apport de nourriture) pour ce que l’on voulait obtenir de l’animal, mais on associait aussi un effet ou son négatif pour ce qu’on ne voulait pas! Les deux étaient utilisés en synergie.

Prétendre qu’une méthode de dressage comme l’utilisation du clicker est 100% positive est faux. Ne pas donner de nourriture, émettre un son avec sa voix pour signifier au chien qu’il se trompe… ce n’est pas du renforcement positif. Aucune méthode n’utilise uniquement que du positif!

Les vrais experts répondront qu’en effets on utilise aussi la punition négative. Avec cette notion supplémentaire, le commun des mortels est perdu. Comment une punition peut-elle être positive ou négative? Une punition reste une punition. Là où il faut faire la nuance, c’est sur la violence et la cruauté. Pour qu’elle soit efficace, la punition doit être rapide (bon timing), sans brutalité (sans faire mal intentionnellement ou blesser) et immédiatement suivie d’une récompense dès la fin du comportement non désiré! C’est l’équilibre entre le positif et le négatif qui importe, et qui favorisera l’apprentissage réel. Chaque punition doit être effacée par une récompense dans la demi-seconde suivant l’arrêt du comportement ayant été puni. C’est ce principe que j’applique avec succès depuis plus de 20 ans. Inutile de chercher à déclarer une guerre pour persuader les gens que seul le renforcement positif est bon. On sait tout que ne pas donner de friandise n’est plus du renforcement positif.

Un client vous appelle parce que son chien aboie lors de ses absences. Ses voisins se plaignent. C’est bien beau de vouloir procéder avec un contre-conditionnement ou avec une désensibilisation, mais comment expliquerez-vous au juge que les voisins devront encore supporter les aboiements pendant quelques semaines le temps que la rééducation soit terminée? Le client a besoin d’une solution d’arrêt rapide, puis d’une rééducation du chien. Il doit d’abord faire fermer la gueule du chien pour faire cesser les plaintes. C’est pourquoi il y a tant de colliers anti-aboiement qui sont vendus sur le marché!

Juste vouloir condamner un accessoire n’est pas la solution. Il faut d’abord de l’empathie pour le client. Oui le chien a des émotions et des besoins, mais le client aussi! On ne peut pas aider un chien sans tenir compte du client. Ils vivent ensemble et chacun doit pouvoir s’adapter à l’autre, ce qui signifie que le client doit combler les besoins du chien et que le chien doit s’adapter aux conditions de vie que lui offre son propriétaire.

Bref, vivre avec un chien veut dire faire des compromis. Intervenir pour aider un propriétaire et son chien implique de l’empathie, de l’écoute et de l’ouverture d’esprit. Alors, pourquoi le monde professionnel canin est-il aussi fermé, bourré de jugements et moralisateur? Pourquoi les gens ont-ils perdu leur liberté de posséder un chien, peu importe sa race?

Publié le 24 août 2015 sur johanneparent.over-blog.com

Auteur : Johanne Parent